C’est en chantant dans les choeurs Schola Cantorum et Josquin Desprès dans ma Normandie natale que j’ai découvert les chansons de Janequin. J’y ai retrouvé Antoine Sicot et Philippe Cantor que je connaissais déjà, rencontrés dans les stages qui fleurissaient en Normandie. Vous l’aurez compris, nous étions presque voisins.
Ce sont Les Cris de Paris, chantés à 80 chanteurs, qui m’ont fait réfléchir au mode d’interprétation de ce répertoire, et de là est né avec Philippe Cantor le désir de former un ensemble masculin à une voix par partie. En 1978, Michel Laplénie et le luthiste Claude Debôves sont venus compléter l’Ensemble, ce dernier grâce à Robin Troman avec lequel je chantais au sein du Collectif de Musique Ancienne de Paris.
Parmi les rencontres décisives figure le musicologue Jean-Pierre Ouvrard. Antoine Sicot était un de ses élèves à la faculté de musicologie de Tours et nous avons bénéficié de son immense savoir, car il faut dire qu’à l’époque je n’avais aucune connaissance du répertoire de la Renaissance et comble de félicité, Jean-Pierre nous a ouvert les portes de sa bibliothèque - et de son impressionnante cave à vin.
Après quelques concerts dans notre Normandie profonde en automne 1978, nous avons donné notre premier concert ‘officiel’ en 1979, dans une galerie d’art à Paris. Jean-Claude Malgoire est venu nous écouter et grâce à lui nous avons fait de nombreuses et lointaines tournées avec l’AFAA (Association Française d’Action Artistique). Cette même année, trois d’entre nous entraient aux Arts Florissants. William Christie, qui avait entendu l’Ensemble Clément Janequin en concert, nous a présenté à harmonia mundi et c’est ainsi qu’en 1982 sortait Les Cris de Paris, notre premier enregistrement.
Depuis 1978, l’Ensemble Clément Janequin a changé et il est vrai que je reste le seul Janequin "historique". Aujourd’hui, les "Janequin", comme les doigts de la main, forment une équipe profondément soudée. Nous avons acquis au fil des années une expérience hors du commun, pétrie de savoir-faire musical et d’amitié, et accouché d’un son, d’une couleur, qui n’appartiennent qu’à nous.
En ce qui me concerne, le virus ne m’a jamais quitté, je dirais même que le mal a empiré, c’est bien pour cela que je pense sincèrement que nous avons besoin de 40 ans de plus pour achever l’ouvraige.